Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/69

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représentation d’Agamemnon. Pourquoi ? Est-ce qu’il s’arrêta à cette œuvre ? Non ! Pendant trente ans, les travaux les plus divers se multiplièrent sous sa plume. Sont-ce ses facultés créatrices qui faiblirent ? Non ! Comme penseur, comme inventeur, comme poète, il dépassa de beaucoup en originalité sa tragédie d’Agamemnon. Agamemnon n’est qu’une œuvre de talent ; il y a une part de génie dans ses autres ouvrages ; et pourtant, s’il compta encore des succès, il ne connut plus de triomphes. Le public le suivit dans toutes ses tentatives avec intérêt, avec curiosité, parfois avec passion, plus souvent avec résistance. Cette résistance ne fit qu’accroître encore cette puissance de vitalité que Lemercier portait dans les plaisirs comme dans le travail ; et ici se présente un côté singulier de cette organisation exceptionnelle.

Lord Byron, comme on le sait, était pied bot. Cette difformité a joué un grand rôle dans sa vie. Comme tous les hommes de combat, il a éprouvé le besoin de lutter contre cette injustice de la nature et de la convaincre d’impuissance. Il voulut mieux nager, mieux boxer, mieux monter à cheval que les hommes pourvus de membres complets et parfaits. Quand il traversa le détroit d’Abydos à la nage, ce n’était pas seulement une prouesse de nageur, c’était un défi de pied bot. Ainsi s’explique en partie la violence avec laquelle M. Lemercier se précipita dans tous les exercices physiques, dans les romanesques aventures de courage et d’amour : ses témérités et ses passions étaient des protestations. La nature l’avait plus maltraité encore que