Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/726

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Ma candidature académique me valut une amitié que je suis heureux de rappeler ici, celle de J.-J. Ampère. Je joindrai à son nom celui de deux autres membres de l’Académie, dont la physionomie, fort différente de la sienne, est caractéristique de leur époque : Brifaut et Baour-Lormian.

Je rencontrai Ampère pour la première fois chez un dilettante plein de goût et de grâce, le comte de Belle-Isle. Un heureux hasard me mit à table à côté de lui. A sept heures, nous ne nous connaissions pas ; à neuf heures, nous étions liés. Un premier point commun nous rapprochait. Il était fils d’un homme de génie, j’étais fils d’un homme de talent, et tous deux nous avions grandi dans le culte de notre père, et sous l’heureux fardeau d’un nom à soutenir. En outre, la multiplicité de mes goûts répondait à la multiplicité de ses aptitudes. Dès le premier moment, je fus émerveillé de cette richesse et de cette spontanéité d’imagination. Depuis, je l’ai connu à fond, je l’ai véritablement aimé, et il m’a toujours fallu, pour le définir, avoir recours, toute proportion gardée, aux noms les plus éclatants de l’histoire ou de la légende. Oui, les plus enragés conquérants de royaumes ne s’acharnaient