Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/762

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été prononcé dans une assemblée parlementaire. « Social, lui répond son collègue, qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est qu’un mot. ― Non, reprend Lamartine, c’est une idée. ― Mais enfin, où siégerez-vous ? Il n’y a place pour vous sur aucun banc de la Chambre. ― Eh bien, répliqua-t-il, avec un demi-sourire à la fois confiant et moqueur, eh bien ! je siégerai au plafond. » Réponse étrange sans doute, mais caractéristique, qui marque bien sa nature. Il allait toujours d’instinct, là où il ne pouvait être porté et soutenu que par des ailes.

Les esprits superficiels comparent volontiers Lamartine orateur, à un virtuose qui tantôt chante des airs de bravoure, tantôt lance de poétiques dithyrambes et parfois même s’aventure par fantaisie dans quelques questions pratiques, car il fut, ne l’oubliez pas, un des plus ardents défenseurs des chemins de fer contre Arago ; mais, pour qui réfléchit, chacun de ses discours révèle la conduite préméditée du politique qui aborde tous les problèmes, parce qu’il aura peut-être un jour à les résoudre tous.

Un fait curieux montre sa puissance d’assimilation. Un grand projet de canal était à l’ordre du jour. Le député chargé de le défendre, tombe malade le matin même de la discussion. On conseille aux intéressés d’en charger Lamartine. Ils vont le trouver. Il était au bain. On les fait entrer ; ils expriment leur désir. « Mais je ne sais pas un mot de votre affaire. ― Nous allons vous l’expliquer. ― Mais je suis le député le moins ingénieur de toute la Chambre. ― Un homme comme vous gagne son diplôme en quelques instants. ― Eh