Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/80

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ne vous plaisent guère, à ce qu’il me paraît ; mais vous rendez pourtant justice à ce qu’ils ont fait de beau. Votre tableau des guerriers anciens et modernes est instructif. Revoyons-le ensemble. » Il s’assit et fit signe au poète de s’asseoir. Les deux généraux se placèrent sur un canapé et demeurèrent, durant la conversation, les jambes étendues et les bras croisés, insouciants, et comme dans un demi-sommeil. Mme Bonaparte, sur un siège voisin de la table, travaillait à l’aiguille, et plusieurs fois elle posa son ouvrage sur ses genoux, en levant ses regards sur les interlocuteurs, avec une curiosité inquiète.

Lemercier prit la brochure pour lire au premier consul le passage indiqué ; mais celui-ci la lui ôta des mains brusquement et dit. « Je vais lire moi-même, et voir. »

Voici les endroits où il s’arrêta et fit ses remarques :

 
Et Salamine, écueil des flottes de Xerxès,
D’un Ulysse nouveau signalant les essais…


« Qui désignez-vous là ? Ah ! oui, Thémistocle ; il avait autant d’astuce que de force, comme Ulysse. »

La lecture l’ayant conduit à César, il lut tout haut le morceau attentivement, puis il s’écria : »Quelque jour, j’écrirai aussi mes Commentaires… Votre résumé des siens, dans vos vers, me semble des meilleurs. Voyons ce qui suit. » Il poursuivit, en s’arrêtant presque mot par mot à la bataille de Cannes :

 
Quand l’habile ennemi, dont il crut triompher,
L’attendit dans ses bras qui devaient l’étouffer.