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Discours touchant la methode de la certitude et l’art d’inventer.

fleurir les sciences. Je suis obligé quelques fois de comparer nos connoissances à une grande boutique ou magazin ou comptoir sans ordre et sans inventaire ; car nous ne sçavons pas nous mêmes ce que nous possedons déja et ne pouvons pas nous en servir au besoin. Il y a une infinité de belles pensées et observations utiles, qui se trouvent dans les auteurs, mais il y en a encor bien plus qui se trouvent dispersées parmi les hommes dans la pratique de chaque profession. Et si le plus exquis et le plus essentiel de tout cela se voyoit recueilli et rangé par ordre, avec plusieurs indices propres à trouver et à employer chaque chose là où elle peut servir, nous admirerions peut estre nous mêmes nos richesses, et plaindrions nostre aveuglement d’en avoir si peu profité. Et comme ceux qui ont déja sont bien plus capables de gagner que les autres, au lieu que ceux qui ont peu, bien loin de gagner à proportion, perdent plutost quelques fois ce peu qu’ils ont, qui ne leur suffit pas à faire aucune entreprise, et les oblige à se consumer à petit feu, de même tandis que nous sommes pauvres au milieu de l’abondance et ne jouissons pas de nos avantages, et même ne les connoissons point, bien loin d’avancer nous reculons et par un desespoir de faire quelque bon effect, nous negligeons tout et nous laissons deperir inutilement ce qui est déja entre nos mains. Aussi voit on que plus de personnes travaillent par coustume, par manière d’acquit, par un interest mercenaire, par divertissement et par vanité, que dans l’esperance et dans le dessein d’avancer les sciences.

Afin donc de parler distinctement de ce qu’il y a à faire, on peut partager les verités utiles en deux sortes, sçavoir en celles qui sont déja connues des hommes de nostre temps, et au moins de nostre Europe, et à celles qui restent encore à connoistre. Les premieres sont écrites ou non écrites. Celles qui sont écrites dans les livres imprimés ou Manuscrits anciens ou modernes, occidentaux ou orientaux, se trouvent dans leur place ou hors de leur place. Ceux qui se trouvent dans leur place ou à peu près sont ceux que les auteurs des systemes ou traités particuliers ont marqués là où la matiere le demandoit. Mais ce qui se dit en passant, ou bien tout ce qui est mis dans un lieu où on auroit de la peine à le trouver, est hors de sa place. Pour obvier à ce désordre, il faudroit des Renvois et des Arrangements. Quant aux renvois, il faudroit faire faire des catalogues accomplis de ce qui se trouve de livres dignes de remarque, en ajoutant quelques fois le lieu où ils se trouvent, particulierement