Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/64

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entrent dans la cause finale (§§36, 37, 44, 45, 49, 52, 121, 122, 337, 340-344).

37[1]. Et comme tout ce détail n’enveloppe que d’autres contingents antérieurs ou plus détaillés, dont chacun a encore besoin d’une analyse semblable pour en rendre raison, on n’est pas plus avancé : et il faut que la raison suffisante ou dernière soit hors de la suite ou séries de ce détail des contingences, quelqu’infini qu’il pourrait être.

38[1]. Et c’est ainsi que la dernière raison des choses doit être dans une Substance nécessaire, dans laquelle le détail des changements ne soit qu’éminemment, comme dans la source : et c’est ce que nous appelons Dieu (§7).

39[1]. Or cette substance étant une raison suffisante de


    de l’homme et de la sagesse, l’être qui se connaît lui-même, la science de l’homme et de Dieu. « Le sage agit toujours par principes ; il agit toujours par règles et jamais par exceptions que lorsque les règles concourent entre elles par des tendances contraires, où la plus forte l’emporte ; autrement, ou elles s’empêcheront mutuellement, ou il en résultera quelque troisième parti ; et dans tous ces cas, une règle sert d’exception à l’antre, sans qu’il y ait jamais d’exceptions originales auprès de celui qui agit toujours régulièrement » (Théod., §337.)

  1. a, b et c La raison suffisante et dernière… est ce que nous appelons Dieu. — C’est la preuve dite du premier moteur que Leibniz reprend ici sous une forme personnelle et originale. Il ne saurait sur ce point rester fidèle à la pensée péripatéticienne, puisque chaque monade est la source de son propre mouvement ou changement interne et que, par conséquent, il n’y a pas entre Dieu auteur du mouvement et les êtres particuliers sièges de ce mouvement une série d’intermédiaires. Les monades n’ayant pas de fenêtres, leur mouvement interne ne saurait leur venir du dehors. La destinée de chaque être est préétablie : une fois créées par fulgurations, harmonisées les unes avec les autres, les monades se suffisent. La première chiquenaude a donné la vie à tout, et tout continue de vivre sans qu’il soit besoin d’admettre en outre le désir par lequel chaque être aspire à atteindre l’être qui lui est immédiatement supérieur. Comment aurait-il cette aspiration qui supposerait une attraction réelle de l’être supérieur et exigerait en conséquence une sorte de pénétration mutuelle des monades ? Il fallait donc écrire raison là où Aristote écrivait mouvement. La même vie interne et les mêmes êtres existent, mais il n’y a plus de séries linéaires pour ainsi dire : l’harmonie les remplace toutes. Cette réserve faite, la preuve est identique dans les deux philosophes et il n’est pas bien difficile de reconnaître l’ἀνάγκη στῆναι d’Aristote dans le passage suivant qui est le vrai commentaire de ces trois paragraphes essentiels de la Monadologie : « Dieu est la première raison des choses : car celles qui sont bornées, comme tout ce que nous voyons et expérimentons, sont contingentes et n’ont rien en elles qui rende leur existence nécessaire ; étant manifeste que le temps, l’espace et la matière, unies et uniformes en elles-mêmes, et indifférentes à tout, pouvaient recevoir de tout autres mouvements et figures, et dans un autre ordre. Il faut donc chercher la raison de l’existence du monde, qui est l’assemblage entier des choses contingentes : et il la faut chercher dans la substance qui porte la raison de son existence avec elle, et laquelle par conséquent est nécessaire et éternelle. Il faut aussi que cette cause soit intelligente : car ce monde qui existe étant contingent, et une infinité d’autres mondes étant également possibles et également prétendants à l’existence, pour ainsi dire, aussi bien que lui, il faut que la cause du monde ait eu égard ou relation à