Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/33

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qui peut avoir le plus de conséquences extérieures.

Aussi voyez : l’amour triomphait dans le Cid : il était vaincu dans Polyeucte, mais non sans résistance ; à partir de Pompée, il ne résiste même plus. Pas une femme qui mérite ce nom ; il ne nous montre plus que des âmes d’une virilité démesurée.

La tendresse n’est point de l’amour d’un héros…
Un peu de dureté sied bien aux grandes âmes.

Ce n’est plus qu’ambition emphatique, orgueil du sang, soif du pouvoir, fureur de vengeance. Plus d’amour, partant plus d’obstacle aux passions « mâles » : plus de psychologie ; plus de peintures des âmes partagées entre des sentiments contraires. Presque tous les personnages, simplifiés à l’excès, se ressemblent ; presque tous sont des monstres de volonté, moins pareils à des créatures vivantes qu’à des statues marchant droit devant elles d’un seul bloc…

En réalité, cette préférence de Corneille pour les « passions mâles » s’explique assez par ce qu’il y avait de fier et même d’un peu dur et morose dans son génie, et par une austérité native que la dévotion vint accroître encore dans la dernière période de sa vie. Il n’avait donc qu’à dire que c’était là son goût. Mais, comme il a toujours besoin de s’appuyer sur quelque autorité pour oser être de son avis, il ajoute : « Cette maxime semblera nouvelle d’abord ; elle est toutefois de la pratique des anciens, chez qui nous ne voyons aucune tragédie où il n’y ait qu’un intérêt