Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/104

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Bruyère, et vous n’aurez pas besoin de le chercher longtemps dans Bossuet et dans Bourdaloue. Mais ici il y a, ce me semble, l’esprit et le ton révolutionnaire, il y a, malgré la tenue du style, ce que j’appellerai le « coup de gueule » ; il y a le terrible raccourci sophistique : « Voilà pourquoi… » Ce morceau-là dut secouer délicieusement pas mal de petites femmes de la noblesse, et pareillement de la finance.

Enfin, le premier Discours de Rousseau s’empare de Rousseau lui-même. Par un phénomène connu d’autosuggestion, Jean-Jacques se façonne d’après son livre. Il veut ressembler à l’idée que ce livre donne de lui. Il veut en réaliser l’épigraphe :

Barbarus hic ego sum quia non intelligor illis.

Il entreprend sa réforme morale.

Il ne faut oublier ni son origine et son vieux fond protestant, ni sa période de pratique catholique et le temps où il composait des prières pour madame de Warens. Je crois qu’il n’avait jamais cessé d’être préoccupé de « vie morale ». Plusieurs fois il avait eu des velléités de réforme, et fait des efforts et des tentatives dans ce sens.

Par exemple, après son aventure avec madame de Larnage (l’unique aventure agréable de sa vie), il avait promis d’aller rejoindre cette dame chez elle à Saint-Andiol. Le moment venu, il hésite, et il nous en apprend les raisons. Il s’était donné à madame de Larnage pour un Anglais, et il craint d’être démasqué. Puis, il sait que madame de Larnage a une