Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’imprimerie, Rousseau déplore ici l’invention du langage.

Ce point réglé, il affirme de nouveau que les hommes à l’état sauvage étaient heureux. — N’ayant d’ailleurs entre eux aucune sorte de relations morales ni de devoirs communs, ils ne pouvaient être ni bons ni méchants et n’avaient ni vices ni vertus. Ils n’avaient que la pitié, sentiment naturel. (L’avaient-ils tous ? Qu’est-ce qu’il en sait ? Et, s’ils ne l’avaient pas tous, il y avait donc déjà des bons et des méchants.) Mais, rendons-lui la parole :

C’est la pitié qui, dans l’état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix. (Vraiment ?) C’est elle qui détourne tout sauvage robuste d’enlever à un faible enfant ou à un vieillard infirme sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère trouver la sienne ailleurs. (Et s’il ne l’espère pas ?)

Mais les souffrances, les violences et les désordres de l’amour ? — C’est bien simple : les premiers hommes en étaient exempts. Ce sont la société, la civilisation et les lois qui ont créé ces désordres… N’ayant pas d’idée de la beauté, le sauvage ne choisit pas :

Il écoute uniquement le tempérament qu’il a reçu de la nature, et non le goût qu’il n’a pu acquérir, et toute femme est bonne pour lui… Chacun attend paisiblement l’impulsion de la nature et s’y livre sans choix, avec plus de plaisir que de fureur, et, le besoin satisfait, tout le désir est éteint.