Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/125

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Car chaque progrès amène sa misère :

Les hommes, jouissant d’un plus grand loisir, l’employèrent à se procurer plusieurs sortes de commodités… Mais ensuite on était malheureux de les perdre sans être heureux de les posséder.

…Les hommes connaissent la préférence dans l’amour. Mais la jalousie s’éveille avec l’amour, et la plus douce des passions reçoit des sacrifices de sang humain.

…On s’accoutume à s’assembler… Chacun commence à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même, et l’estime publique a son prix… Mais ensuite, chacun punissant le mépris qu’on lui avait témoigné, les vengeances devinrent terribles et les hommes sanguinaires et cruels.

Et ainsi de suite. — (Rousseau établit ici une distinction, sur laquelle il reviendra très souvent, entre l’égoïsme de l’homme sauvage et solitaire, égoïsme utile et inoffensif, et l’amour-propre des hommes vivant en société, et qui est funeste.)

Cependant, Rousseau arrive à l’étape du développement humain où il aurait voulu que l’humanité se fût arrêtée. C’est après les commencements de l’agriculture et de la vie en tribu, et avant l’institution de la propriété individuelle. A vrai dire, on ne voit pas du tout pourquoi il juge que ce fut le meilleur moment de l’humanité, puisqu’il nous a dit auparavant que les prétendus progrès qui l’avaient amenée là étaient autant de désastres… Quoi qu’il en soit, voyons son idéal :

Ainsi, quoique les hommes fussent devenus moins