Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/132

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pas, comme celui de Jean-Jacques, un idéal régressif ?

D’ailleurs (et nous l’avons déjà vu à propos de son premier Discours), Jean-Jacques a bien soin, — dans sa correspondance, dans sa Lettre à d’Alembert, même dans le Contrat social et, plus tard, dans le troisième Dialogue, — d’atténuer l’absurdité de son paradoxe. Déjà, dans le Discours sur l’inégalité, en dépit des exigences de la logique, il se garde de nous offrir comme idéal la vie solitaire de l’homme orang-outang : il s’arrête à la vie pastorale, à l’« âge d’or » des poètes classiques. Au fond, sa pensée est celle-ci (c’est Faguet qui la résume avec une extrême clémence) : « Conviction que l’homme est, au moins, trop social, qu’il faudrait au moins restreindre l’état social à son minimum, revenir, sinon à la famille isolée, du moins à la tribu, au clan, à la petite cité ; qu’ainsi diminueraient la lourdeur de la tâche, et l’intensité de l’effort, et l’énormité des inégalités entre les hommes ; qu’ainsi seraient atténués les besoins factices, gloire, luxe, vie mondaine, jouissances d’art, qu’ainsi l’homme serait ramené à une demi-animalité intelligente encore, mais surtout saine, paisible, reposée, affectueuse, qui est son état de nature, en tout cas son état de bonheur. »

Voilà qui va bien. C’est ainsi qu’il nous arrive, à vous, à moi, d’être excédés de ce qu’il y a de factice dans nos mœurs, de penser que nous nous passerions facilement des derniers bienfaits de la