Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/133

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science appliquée, puisque nous nous en passions avant ; que l’humanité tourne probablement le dos à son bonheur ; que la civilisation industrielle est un mal, comme aussi ces amas démesurés d’hommes qui forment les grandes villes et les grandes nations ; qu’il serait bon de revenir à la vie naturelle et rustique, etc. Mais ce ne sont là que des impressions sans conséquence et vite effacées. Joignez qu’on ne sait pas bien où finit la nature et que les développements même de l’humanité que nous appelons artificiels sont encore naturels dans leur origine, aussi naturels que les sentiments primitifs d’où, au bout du compte, ils sont sortis.

Seulement, si Rousseau s’était contenté d’exhorter ses contemporains à la simplicité des mœurs et de leur recommander la vie de la campagne ou des petites cités, cela n’aurait pas semblé bien original et n’aurait pas fait beaucoup de bruit. Sa pensée aurait paru assez humble s’il ne l’avait pas follement outrée. Et c’est pourquoi il a d’abord donné son coup de gong. — Mais il est tout de même fâcheux que les plus chauds amis de Rousseau soient obligés, dans leurs commentaires, de distinguer entre ce qu’il a dit (et qui est souvent inepte) et ce qu’il a probablement pensé. Ils semblent faire ce raisonnement : « La preuve que ce qu’il a dit n’est pas ce qu’il a voulu dire, c’est que ce qu’il a dit est par trop facile à réfuter. Un esprit un peu fin ne le prend pas au mot ; ce serait grossier. » —