Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/147

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pour le rendre odieux. Plus tard il fera entrer tout l’univers dans ce complot.

Il entendait vraiment trop peu la plaisanterie. Une fois, — toujours pour le décider à rentrer l’hiver à Paris, — Diderot lui écrit :

Le Lettré[1] a dû vous écrire qu’il y avait sur le rempart vingt pauvres qui mouraient de faim et qui attendaient le liard que vous leur donniez. C’est un échantillon de notre petit babil.

La plaisanterie était amicale et gentille puisque c’était une allusion aux habitudes aumônières de Jean-Jacques. Il l’accueillit de la façon la plus rogue et répondit fort lourdement :

Il y a ici un vieillard respectable qui, après avoir passé sa vie à travailler, ne le pouvant plus, meurt de faim sur ses vieux jours. Ma conscience est plus contente des deux sous que je lui donne tous les lundis que des cent liards que j’aurais distribués aux gueux des remparts… C’est à la campagne qu’on apprend à servir l’humanité : on n’apprend qu’à la mépriser dans les villes.

De même, Diderot ayant écrit par hasard dans ses Entretiens sur le Fils naturel : « Il n’y a que le méchant qui soit seul », Rousseau prit cela pour lui et cria comme un assassiné. Ah ! ce n’était pas un monsieur commode.

L’autre épisode de son séjour à l’Ermitage, ce sont ses amours avec madame d’Houdetot.

  1. C’était le surnom qu’on donnait au fils de madame d’Épinay.