Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/149

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Puis, Saint-Lambert est averti, soit par une lettre anonyme de Thérèse, ou simplement (selon M. Ritter), par une indiscrétion de Grimm. Saint-Lambert est un sage, un homme qui « ne se frappe pas ». Il sait du reste que Jean-Jacques n’a pu aller très loin. Néanmoins, il lui bat froid à son retour, et madame d’Houdetot aussi : de quoi (détail charmant) Jean-Jacques se plaignit à Saint-Lambert lui-même. Tout ce qu’il a gagné à cette vaine excitation, il nous apprend que c’est une « descente » qui vient s’ajouter à ses autres maux.

Là-dessus, madame d’Épinay devant aller à Genève, consulter Tronchin (peut-être sur une grossesse que sa maladie rendait dangereuse), dit un jour à Rousseau : « Ne viendrez-vous pas avec moi, mon ours ? » Rousseau n’en a nulle envie. Déjà, il s’est aperçu qu’il s’est donné des chaînes. Combien de fois a-t-il été appelé à la Chevrette au moment où il avait envie d’écrire, ou de rêver dans les bois, ou simplement de rester chez lui ! Diderot, indiscret et impétueux comme toujours, — ce bourdonnant Diderot dont le style même vous tutoie et vous tape sur les cuisses, — le somme de payer sa dette à sa bienfaitrice en l’accompagnant. Grimm, — l’Allemand profiteur et sournois, l’amant de madame d’Épinay, — l’en presse de son côté. Rousseau lui répond par une longue lettre explicative, gauche et fière, d’où j’extrais ce passage délicieux :