Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/164

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Mieux valent encore pour Genève, continue-t-il, ses petites « sociétés » ou « coteries » traditionnelles : sociétés d’hommes et sociétés de femmes (car Rousseau juge bon que les deux sexes, en général, vivent séparés l’un de l’autre). Dans les cercles de femmes, on médit un peu : mais les femmes y font en quelque sorte la police morale de la ville ; dans les cercles d’hommes, on boit abondamment, mais avec innocence. Et ici se place un éloge du vin, qui a de la grâce et quelque chose d’attendrissant, venant d’un homme qui buvait surtout de l’eau et du lait, et n’a jamais bu plus de sa demi-bouteille de vin.

— Mais quoi ! s’écrie Rousseau, ne faut-il donc aucun spectacle dans une république ? — Au contraire, il en faut beaucoup. Les Genevois ne sont pas encore assez vertueux pour que Rousseau leur propose les danses nues des jeunes filles de Sparte, et il le regrette. Mais ils ont déjà des revues, des prix publics, des rois de l’arquebuse, du canon, de la navigation. Il faut multiplier les fêtes de ce genre.

Mais n’adoptons point ces spectacles exclusifs qui renferment tristement un petit nombre de gens dans un antre obscur ; qui les tiennent craintifs et immobiles dans le silence et l’inaction ; qui n’offrent aux yeux que cloisons, que pointes de fer, que soldats, qu’affligeantes images de la servitude et de l’inégalité. (Que vient faire ici l’inégalité ? Oh ! que voilà déjà bien une phrase de 93 !)

— Non, peuples heureux, ce ne sont pas là vos fêtes.