Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/168

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taire lui-même, fussent si dangereuses à entendre ? Et les comédies de Lesage, de Legrand, de Dufresny, de Dancourt, de Destouches, de Marivaux, de Gresset ! Vous n’y trouverez pas un adultère consommé, et la courtisane n’y est encore désignée que par de décentes périphrases…

Chose à noter : le moment où Jean-Jacques brandit ses foudres contre le théâtre est un des moments les plus chétifs et les plus inoffensifs de la comédie en France. Après Lesage, Dancourt et Marivaux, qui avaient de la saveur, la comédie se traîne dans de fades portraits, dans de petites satires de mœurs et dans de petites intrigues amoureuses ! Elle est menue et galante. Et il est vrai qu’elle parle beaucoup d’amour, et qu’elle conseille tout au moins une sensualité légère. Mais on ne voit pas bien pourquoi Rousseau s’insurge là contre, et nous retrouvons ici une de ses habituelles contradictions ou équivoques.

Pascal, et Bossuet, et Bourdaloue, et bien d’autres docteurs chrétiens, avaient défini et réprouvé le pouvoir amollissant et corrupteur de la comédie. Ils le faisaient au nom d’un dogme. Les « passions de l’amour », ils les appelaient « concupiscence ». Mais, lui, Jean-Jacques, au nom de quoi condamne-t-il les trop douces impressions qu’on peut recevoir au théâtre ? Au nom de la nature, dont le théâtre, assure-t-il, nous éloigne ? Mais il paraît pourtant bien que le désir et la volupté sont dans la « nature », puisque, précisément, pour les prédicateurs,