Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/193

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Cependant, ce qu’il a écrit jusqu’ici de la Julie, au hasard et sans suite, ne fait même pas une histoire. Mais, « à force, nous dit-il, de tourner et retourner mes rêveries dans ma tête, j’en formai enfin l’espèce de plan dont on a vu l’exécution ». Et alors il nous dit qu’il se propose, dans son roman, deux objets. Le premier, c’est de montrer à un siècle corrompu, en se mettant à sa portée, qu’on peut se relever d’une chute, et que même une erreur d’un moment peut être la source d’actes sublimes. « Si Julie eut été toujours sage, dira-t-il dans sa Seconde Préface, elle instruirait beaucoup moins, car à qui servirait-elle de modèle ? » — Et son second objet, c’est de rapprocher les croyants et les athées dans une estime réciproque ; d’apprendre à ceux-ci qu’on peut croire en Dieu sans être hypocrite, et aux croyants qu’on peut être incrédule sans être un coquin. Julie dévote est une leçon pour les philosophes, et Wolmar athée en est une pour les intolérants. — Le reste, et notamment le rappel à la vie simple, à la vie rurale et familiale, et à la pureté du foyer domestique, ne serait donc venu que subsidiairement.

Voilà ce que dit Rousseau au livre IX des Confessions. Cela est plausible. Mais je crois que le roman de Julie s’est formé dans son esprit plus simplement encore.

Tout ce que je retiendrai de son récit, c’est qu’il a conçu Julie au printemps, parmi les fleurs et les