Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/192

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Il considère si peu son roman commencé comme un développement ou une application de sa doctrine, qu’il le regarde, au contraire, comme une sorte de démenti à son rôle public :

Après les principes sévères que je venais d’établir avec tant de fracas,… après tant d’invectives mordantes contre les livres efféminés qui respiraient l’amour et la mollesse, pouvait-on rien imaginer de plus inattendu, de plus choquant que de me voir tout à coup m’inscrire parmi les auteurs de ces livres que j’avais si durement censurés ? Je sentais cette inconséquence dans toute sa force.

Cela paraît bien prouver que Rousseau n’avait d’abord conçu que les deux premières parties de Julie, qu’il ne les avait conçues que comme un roman d’amour, et que les intentions moralisatrices ne lui vinrent qu’après coup.

En attendant il revoit à la Chevrette, puis à l’Ermitage, madame d’Houdetot. Immédiatement son idéal se concrète en elle. Il se figure Julie sous ses traits. Quelle occasion de s’essayer à ces sentiments exaltés qu’il veut exprimer dans son livre ! Dans leurs rendez-vous mystérieux, dans leurs conversations brûlantes (du moins de sa part à lui) tandis que madame d’Houdetot s’amuse et qu’elle se distrait de l’absence de Saint-Lambert, Jean-Jacques, en réalité, travaille à son roman. Et cela explique qu’il se soit si vite consolé de l’échec de cette grande passion. Ce n’était que de la littérature.