Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/208

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que son père l’avait promise à Wolmar riche, et que maintenant Wolmar est ruiné. Mais enfin elle va au mariage comme à un sacrifice.

C’est ici que Rousseau a une idée admirable (C’est peut-être l’endroit de son œuvre où émerge de la façon le plus inattendue son fond traditionaliste, offusqué le plus souvent par son âme de révolte). — La cérémonie du mariage opère sur l’âme sérieuse de Julie à la manière d’un sacrement comme le signe sensible de quelque chose de profond, de sacré, de nécessaire, de conforme aux destinées et aux intérêts de l’humanité. La cérémonie du mariage fait comprendre à Julie le mariage.

Elle ne l’avait point prévu :

Dans l’instant même, écrit-elle à Saint-Preux, où j’étais prête à jurer à un autre une éternelle fidélité, mon cœur vous jurait encore un amour éternel, et je fus menée au temple comme une victime impure qui souille le sacrifice où l’on va l’immoler.

Mais, — douloureuse comme elle est, et préparée par la douleur, — elle sent, en entrant dans l’église, une sorte d’émotion qu’elle n’avait jamais éprouvée… Puis, le jour sombre de l’église, le profond silence des spectateurs, le cortège de ses parents… tout donne à ce qui va se passer un air de solennité qui l’excite à l’attention et au respect :

La pureté, la dignité, la sainteté du mariage, si vivement exposées dans les paroles de l’Écriture, ses chastes et sublimes devoirs, si importants au bonheur, à l’ordre, à la paix, à la durée du genre humain, si