Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/209

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doux à remplir pour eux-mêmes : tout cela me fit une telle impression que je crus sentir intérieurement une révolution subite. Une puissance inconnue sembla corriger tout à coup le désordre de mes affections et les rétablir selon la loi du devoir et de la nature.

Et encore :

    Je crus me sentir renaître, je crus recommencer une autre vie.

Puis, rentrée à la maison :

A l’instant, pénétrée d’un vif sentiment du danger dont j’étais délivrée et de l’état d’honneur et de sûreté où je me sentais rétablie, je me prosternai contre terre, j’élevai vers le ciel mes mains suppliantes, j’invoquai l’Être qui soutient ou détruit, quand il lui plaît, par nos propres forces, la liberté qu’il nous donne. Je veux, lui dis-je, le bien que tu veux, et dont, toi seul es la source. Je veux aimer l’époux que tu m’as donné. Je veux être fidèle, parce que c’est le premier devoir qui lie la famille et la société. Je veux être chaste, parce que c’est la première vertu qui nourrit toutes les autres. Je veux tout ce qui se rapporte à l’ordre de la nature que tu as établi, et aux règles de la raison que je tiens de loi. Je remets mon cœur sous ta garde et mes désirs en ta main. Rends toutes mes affections conformes à ta volonté constante ; et ne permets plus que l’erreur d’un moment l’emporte sur le choix de toute ma vie.

— Mais, direz-vous, les théories de Rousseau ? — Quelles ? — L’opposition de la nature et de la société, et que la société a corrompu la nature. Le mariage est bien, je pense, une institution sociale, et cependant le mariage épure Julie. Elle