Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/210

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dit elle-même qu’une puissance inconnue a rétabli ses affections « selon la loi du devoir et de la nature ». « La nature et le devoir », qui ne peut être ici qu’un devoir social : Rousseau y songe-t-il ? La nature et la société ne sont donc plus ennemies ? Une institution sociale peut donc être bienfaisante ? La société ne corrompt donc pas nécessairement la nature ? — Eh bien, quoi ? Rousseau se contredit, c’est évident. Et c’est pour cela que cette troisième partie de la Nouvelle Héloïse est une si belle chose. Et elle renferme bien d’autres contradictions encore aux théories habituelles de Jean-Jacques.

Julie aime son mari parce qu’elle est sa femme et qu’elle veut l’aimer. Telle, la Pauline de Polyeucte. Et ainsi, pour une fois, Rousseau se rencontre avec Corneille. L’amour de Julie pour Wolmar n’est peut-être que de l’amitié et de la tendresse. Mais elle dit ce mot d’un bon sens éminent : « L’amour n’est pas nécessaire pour former un heureux mariage », et cet autre mot d’une sagesse plus haute encore, et qui ruine la « morale du sentiment », et qui condamne toute la vie de Rousseau lui-même, et les trois quarts de son œuvre :

Malgré la sécurité de mon cœur, je ne veux plus être juge en ma propre cause, ni me livrer étant femme, à la même présomption qui me perdit, étant fille.

Et de quelle magnifique façon, dans cette troisième partie, les sophismes et les impures sentimenta-