Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

car tout est pur aux purs, et, parmi les devoirs de la vertu, Jean-Jacques omet délibérément la fuite des tentations.

Et alors ce qui arrive est vraiment inouï.

Si M. de Wolmar a été si peu troublé par l’aveu de Julie, c’est qu’il savait déjà tout, — tout — lorsqu’il l’a épousée. Dès qu’il apprend d’elle-même qu’elle a eu un amant, il lui dit (comme vous avez vu) : « Faisons-le venir. » Saint-Preux revient donc. A peine une nuance d’embarras à la première entrevue. Mais bientôt Julie se remet à parler de son passé avec Saint-Preux devant son mari. Et, comme l’ancien amant se tient un peu sur la réserve : « Embrassez-la, dit Wolmar, appelez-la Julie. Plus vous serez familier avec elle, mieux je penserai de vous. »

Ils vivent tous trois dans de continuels attendrissements, dont voici un exemple (extrait d’une lettre de Saint-Preux à mylord Édouard). Saint-Preux, au cours d’une conversation, a dit tristement à Julie : « Madame, vous êtes épouse et mère, ce sont des plaisirs qu’il vous appartient de connaître. »

Aussitôt, continue-t-il, M. de Wolmar, me prenant par la main, me dit en la serrant : Vous avez des amis ; ces amis ont des enfants ; comment l’affection paternelle vous serait-elle étrangère ? Je le regardai, je regardai Julie ; tous deux se regardèrent, et me rendirent un regard si touchant que, les embrassant l’un après l’autre, je leur dis avec attendrissement : « Ils me sont aussi chers qu’à vous ! »