Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/228

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nades beaucoup plus qu’en leçons. Depuis l’âge de dix ans, il n’avait lu que ce qui lui plaisait. Il n’avait reçu de leçons que des choses. Ses propres sottises l’avaient formé, lui avaient appris la morale et la vie. Et de cette éducation sans famille, ni collège, ni précepteur, était sortie cette merveille de sagesse, de vertu, de sensibilité : lui, Jean-Jacques. C’est donc cette éducation-là qu’il donnera à son disciple imaginaire ; mais, ces leçons des choses que Rousseau enfant et adolescent a reçues du hasard, c’est lui-même qui les ménagera méthodiquement à son élève. On verra, pour ainsi dire, Jean-Jacques à cinquante ans précepteur de Jean-Jacques à dix ans, à quinze ans, à vingt ans ; et ce sera très beau ; et tout portera ; et Jean-Jacques aura l’infini plaisir, là encore, d’être toujours en scène, et à tous les âges, et de ne jamais sortir de lui-même.

Entrons maintenant dans l’analyse de l’Émile.

(Je ne dois pas omettre que vers la trentième page du livre I, Jean-Jacques a le courage de faire allusion à ses propres enfants.)

Celui, dit-il, qui ne peut remplir les devoirs de père, n’a point le droit de le devenir. (Il avait écrit le contraire, en 1751, dans sa lettre à madame de Francueil.) Il n’y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. Lecteur, vous pouvez m’en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs, qu’il versera longtemps sur sa faute des larmes amères, et n’en sera jamais consolé.