Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/233

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Mais peut-être, dit-il lui-même, ce mot de nature a-t-il un sens trop vague ; il faut tâcher de le fixer… Nous naissons sensibles, et, dès notre naissance, nous sommes affectés de diverses manières par les objets qui nous environnent. Sitôt que nous avons pour ainsi dire la conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent, d’abord selon qu’elles nous sont agréables ou déplaisantes, puis selon la convenance ou disconvenance que nous trouvons entre nous et ces objets, et enfin selon le jugement que nous en portons sur l’idée de bonheur ou de perfection que la raison nous donne. Ces dispositions s’étendent et s’affermissent à mesure que nous devenons plus sensibles et plus éclairés ; mais, contraintes par nos habitudes, elles s’altèrent plus ou moins par nos opinions. Avant cette altération, elles sont ce que j’appelle en nous la nature.

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Je ne vous donne pas cela pour une merveille de clarté et de précision, mais enfin on en peut extraire ceci : « La nature, c’est la disposition à rechercher ce qui nous est agréable, ce qui nous convient, et, ce que nous croyons être le bonheur ou la perfection, et à fuir le contraire de tout cela. »

Mais alors, pourquoi, après avoir dit (première ligne de l’Émile) : « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses », Rousseau ajoute-t-il : « Tout dégénère entre les mains de l’homme », entendez : de l’homme vivant en société ? Il est pourtant bien clair que l’homme est naturellement social ; que la vie en société s’explique elle-même (pour reprendre la définition de Jean-Jacques) par