Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien d’atténuer en récitant du moins aux adolescents, — comme Rousseau fait pour Émile, — la Profession de foi du Vicaire Savoyard, devenue « cléricale ».

Émile eut un grand succès, moindre pourtant que celui de la Nouvelle Héloïse. Mais Émile, plus austère, passa pour le chef-d’œuvre de l’auteur. Les femmes n’y virent que le roman de Sophie et l’allaitement maternel ; et, à l’Opéra, les belles dames, ces années-là, se firent apporter leurs petits enfants au fond de leur loge, et leur donnèrent à téter pendant les entr’actes. — Quant aux hommes, ils virent dans Émile ce qu’ils voulurent, car il y a de tout.

Je veux du moins vous faire connaître l’interprétation d’Émile par ce bon Musset-Pathay (le père d’Alfred de Musset) qui publia en 1825 une histoire apologétique de Rousseau. C’est bien simple. Rousseau, avec le coup d’œil du génie ; prévoyant toute la Révolution française, a voulu élever Émile, jeune noble, de façon qu’il pût se tirer d’affaire, quels que fussent les événements. Et c’est pourquoi il lui a appris, notamment, le métier de menuisier. Émile serait donc un traité d’éducation pour les jeunes gentilshommes en vue de la catastrophe révolutionnaire. Évidemment Musset-Pathay pensait au duc d’Orléans (Louis-Philippe), formé autrefois par madame de Genlis selon quelques-uns des préceptes de Jean-Jacques. C’est assez curieux.