Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/284

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sument vraiment toute l’absurdité du Contrat social et de la démocratie elle-même.

Ainsi, trois étapes : 1º Jean-Jacques, dans son livre même, déclare le Contrat applicable seulement à de petites cités ; 2º il le déclare inapplicable à de simples mortels ; 3º cinq ou six ans après il le renie totalement.

Or, cette forme de gouvernement que l’auteur avait décrite à l’usage d’une cité de vingt mille âmes et de quinze cents électeurs, — qu’il avait ensuite confessée impraticable même dans cette petite cité, — et qu’enfin il avait reniée avec une sorte de fureur, — la Révolution, trente ans après, s’en emparera comme d’un évangile, et voudra l’imposer à un peuple de dix siècles et de vingt-cinq millions d’hommes. Et cet essai s’appellera la Terreur.

— Ce n’est pas la faute de Rousseau, direz-vous.

Entendons-nous bien. Je ne dis pas que les écrits de Rousseau aient amené la Révolution (laquelle avait des raisons économiques profondes) : surtout je ne dis pas que seuls ils l’aient amenée. Mais il se trouve que, plus qu’aucun autre écrivain, Rousseau a fourni, a légué aux plus systématiques et aux plus violents des hommes qui ont fait la Terreur, et même aux têtes les plus illettrées de la canaille révolutionnaire, un état sentimental, une phraséologie — et des formules.

D’autant mieux que, outre l’erreur essentielle qui en fait l’armature, le Contrat social fourmille de contre-vérités de détail. — On y lit que « la voix