Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/293

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Jean-Jacques est si bien pour lui une religion, qu’il l’oppose nettement à l’irréligion, c’est-à-dire à l’athéisme et au matérialisme des « philosophes » (qui ne le lui pardonneront point). — Et le sentiment religieux de Rousseau, et sa persuasion de l’absolue nécessité de la croyance en Dieu et de l’amour de Dieu sont si profonds en lui, qu’il ne craint pas, dans une Note, de préférer le fanatisme à l’irréligion. Il faut toujours lire les Notes de Rousseau, car elles sont souvent plus significatives et plus hardies que son texte. Dans cette note, qui est magnifique, il rompt décidément et énergiquement en visière au parti des philosophes, et ose dire des choses comme celles-ci, qui seraient, aujourd’hui encore, d’une si opportune application :

Un des sophismes les plus familiers au parti philosophique est d’opposer un peuple supposé de vrais philosophes à un peuple de mauvais chrétiens : comme si un peuple de vrais philosophes était plus facile à faire qu’un peuple de vrais chrétiens…

Le fanatisme (religieux), quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus : au lieu que l’irréligion et, en général, l’esprit raisonneur et philosophique attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi petit à petit les fondements de toute société,…

Le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets