Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/292

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démonstration proprement dite. « Les preuves de Dieu métaphysiques, dit Pascal, sont si éloignées du raisonnement des hommes, et si impliquées, qu’elles frappent peu ; et quand cela servirait à quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration ; une heure après, ils craignent de s’être trompés. » — Mais les « preuves de Dieu » retenues par Rousseau, si elles ne sont certes pas sans réplique, sont les plus simples, les plus accessibles, comme il convenait, à la moyenne des intelligences et, pour ainsi parler, les plus « portatives » ; ce sont les plus unies parmi les preuves traditionnelles de Platon, de Descartes, de Malebranche, de Bossuet, de Fénelon… Pensez qu’avant de devenir la philosophie du baccalauréat (j’entends le baccalauréat de ma jeunesse), le spiritualisme fut la philosophie du Phédon et du Banquet et celle du Songe de Scipion. Enfin songez que le spiritualisme, s’il n’est pas la plus subtile explication de l’univers, en est la plus généreuse, celle qui donne au monde de plus beau sens, celle qui contient le plus d’amour et qui fait à la Cause première le plus magnanime crédit.

Et c’est bien ainsi que Rousseau l’entend. Son déisme n’est point, comme celui de Voltaire, un déisme politique, un déisme de gendarme. Le déisme de Voltaire n’oblige Voltaire à rien du tout. Celui de Rousseau l’oblige. C’est bien véritablement pour lui une religion émouvante et agissante, et qui influe sur la vie et sur les actes. Le déisme de