Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/302

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C’est à cette époque qu’il prend l’habit arménien.

Ce n’était pas, nous dit-il, une idée nouvelle… Elle m’était souvent revenue à Montmorency, où le fréquent usage des sondes, me condamnant à rester souvent dans ma chambre, me fit mieux sentir les avantages de l’habit long. La commodité d’un tailleur arménien, qui venait souvent voir un parent qu’il avait à Montmorency, me tenta d’en profiter pour prendre ce nouvel équipage, au risque du qu’en dira-t-on, dont je me souciais très peu… Je me fis donc une petite garde-robe arménienne ; mais l’orage excité contre moi m’en fit remettre l’usage à des temps plus tranquilles, et ce ne fut que quelques mois après que, forcé par de nouvelles attaques de recourir aux sondes, je crus pouvoir prendre ce nouvel habillement à Motiers, surtout après avoir consulté le pasteur du lieu, qui me dit que je pouvais le porter au temple même sans scandale. Je pris donc la veste, le caftan, le bonnet fourré, la ceinture ; et après avoir assisté dans cet équipage au service divin, je ne vis point d’inconvénient à le porter chez mylord Maréchal. Son Excellence, me voyant ainsi vêtu, me dit pour tout compliment : Salamaleki ; après quoi tout fut fini et je ne portai plus d’autre habit.

En réalité, son infirmité et même ses sondes n’exigeaient pas ce costume excentrique. Une culotte plus large ou quelque manteau un peu long aurait suffi. — Évidemment la fêlure gagne. — Goethe, — qui, lui, n’avait jamais été menacé de folie, — écrit dans Wilhelm Meister (livre V, chap. XVI) à propos du vieux joueur de harpe : « Si je parviens, dit Wilhelm, à lui faire quitter sa barbe et sa longue robe, j’aurai beaucoup gagné ; car rien