Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/303

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ne nous dispose plus à la folie que de nous distinguer des autres, et rien ne maintient plus le sens commun que de vivre, avec beaucoup de gens, selon le commun usage. »

C’est, je crois, vers le même temps, que Rousseau prend ce pli, de substituer souvent au pronom « je » ou « moi » son nom et surtout son prénom, de parler de lui-même à la troisième personne, de dire : « Jean-Jacques Rousseau ne peut pas… » ; il ne convient pas à Jean-Jacques… » ; « que dirait-on de Jean-Jacques… ». Ne vous y trompez pas : cela aussi est signe de fêlure.

Revenons. — Le pasteur de Motiers, Montmollin, commença par être un chaud partisan de Jean-Jacques et, sur sa demande, l’admit à la communion. Jean-Jacques nous dit à ce propos :

…Toujours vivre isolé sur la terre me paraissait un destin bien triste, surtout dans l’adversité. Au milieu de tant de proscriptions et de persécutions, je trouvai une douceur extrême à pouvoir me dire : Du moins je suis parmi mes frères ; et j’allai communier avec une émotion de cœur et des larmes d’attendrissement qui étaient peut-être la préparation la plus agréable à Dieu qu’on y pût porter.

(Vers le même temps, Voltaire à Ferney faisait ses pâques, et le faisait constater par acte notarié. On pourrait mettre en regard la communion sincère et pieuse du pauvre exilé Rousseau, et la communion sacrilège et farce, — en même temps que prudente et conservatrice, — de l’opulent sei-