Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/305

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il s’empare des premiers moments de l’homme afin d’établir l’empire de l’irréligion.

Le reste du mandement était ce qu’il pouvait et devait être, — avec, peut-être, quelques inutiles accusations de mauvaise foi.

Jean-Jacques répondit par la lettre théâtralement intitulée : Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, proviseur de Sorbonne, etc… Cette lettre n’est pas le plus original de ses ouvrages, mais c’en est peut-être le plus parfait. Naturellement, l’archevêque et le protestant latitudinaire ne pouvaient s’entendre, puisque justement Rousseau nie ou conteste ce que le prélat suppose acquis : la révélation et les miracles. On peut dire que les deux adversaires manient des armes qui ne se rencontrent pas. — D’autre part, la lettre à Christophe de Beaumont n’offre rien de nouveau quant au fond ; elle répète seulement, sous une forme adoucie et persuasive, quelques-unes des théories de l’Émile et du Contrat. Mais la lettre est, dans son ensemble, un chef-d’œuvre de polémique, une merveille de discussion adroite, vigoureuse, émue, éloquente. Le « citoyen de Genève » affecte d’abord le plus grand respect pour le prélat ; il se complait dans son attitude d’homme obscur, d’homme de rien, de citoyen modeste, — mais qui porte en lui la vérité, — en face d’un grand de la