Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/304

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gneur de Ferney… Il est vrai qu’on ne tirerait pas grand chose de ce parallèle, — sinon que c’est encore le plus religieux de ces deux hommes qui nous a été le plus funeste.)

Presque le même jour où Jean-Jacques communiait si dévotement, l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont signait un Mandement portant condamnation de l’Émile (20 août 1762). L’archevêque faisait son devoir. Il relevait dans ce livre une vingtaine de propositions contraires à l’orthodoxie catholique. Le mandement débutait (ou presque) par un portrait de Rousseau vraiment assez brillant, — et même assez juste, surtout si l’on songe que le critique était un archevêque. Il faut citer ce morceau.

Du sein de l’erreur il s’est élevé un homme plein du langage de la philosophie sans être véritablement philosophe ; esprit doué d’une multitude de connaissances qui ne l’ont pas éclairé et qui ont répandu des ténèbres dans les autres esprits ; caractère livré aux paradoxes d’opinion et de conduite ; alliant la simplicité des mœurs avec le faste des pensées, le zèle des maximes antiques avec la fureur d’établir des nouveautés, l’obscurité de la retraite avec le désir d’être connu de tout le monde : on l’a vu invectiver contre les sciences qu’il cultivait, préconiser l’excellence de l’Évangile dont il détruisait les dogmes, peindre la beauté des vertus qu’il éteignait dans l’âme de ses lecteurs… Dans un ouvrage sur l’inégalité des conditions il avait abaissé l’homme jusqu’au rang des bêtes ; dans une autre production plus récente il avait insinué le poison de la volupté en paraissant le proscrire : dans celui-ci