Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/307

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défend contre le prélat la religion naturelle, Rousseau continue de se séparer des « philosophes ». Une de leurs manies était de traiter tous les fondateurs de religions de fourbes, d’imposteurs, de charlatans, de jongleurs sacrés. Jean-Jacques qui a, lui, l’intelligence des choses religieuses, en juge autrement :

Honorez en général, dit-il, tous les fondateurs de vos cultes respectifs… Ils ont eu de grands génies et de grandes vertus : cela est toujours estimable. Ils se sont dits les envoyés de Dieu ; cela peut être et n’être pas ; c’est de quoi la pluralité ne saurait juger d’une manière uniforme, les preuves n’étant pas également à sa portée. Mais quand cela ne serait pas, il ne faut point les traiter si légèrement d’imposteurs. Qui sait jusqu’où les méditations continuelles sur la divinité, jusqu’où l’enthousiasme de la vertu ont pu, dans leurs sublimes âmes, troubler l’ordre didactique et rampant des idées vulgaires ? Dans une trop grande élévation la tête tourne, et l’on ne voit plus les choses comme elles sont…

Ici, Rousseau est autrement intelligent que Voltaire.

J’imagine qu’après sa magnifique réplique à l’archevêque de Paris, Rousseau crut qu’il allait rentrer en grâce auprès de la partie récalcitrante de ses compatriotes de Genève. Il y avait eu (je vous renvoie là-dessus au beau livre de Rod), il y avait eu, dans le décret lancé par le Petit Conseil contre Rousseau, une irrégularité de procédure. Jean-Jacques comptait que toute la bourgeoisie protes-