Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/349

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formule de révolte, — l’aurait-il rencontré, si, lorsqu’il était déjà dans sa trente-huitième année, tout occupé de musique et de théâtre galant, la question de l’Académie de Dijon ne le lui avait suggéré ? Et la plus grande partie de son œuvre n’est-elle pas comme suspendue à ce hasard ? Eût-il conçu la superstition de l’égalité, sans une nouvelle question de cette fatale Académie ? Eût-il écrit la Nouvelle Héloïse s’il n’avait pas connu mademoiselle de Breil, puis madame d’Houdetot et Saint-Lambert ? Etc., etc.. — On peut, direz-vous, se poser des questions de ce genre sur tous les écrivains et à propos de tous les livres. — Non pas, mais seulement à propos d’« ouvrages d’imagination », d’ouvrages de poètes ou de romanciers : et Jean-Jacques est toujours poète ou romancier. — Et je crois vous avoir montré, en effet, que tous ses ouvrages lui ont été inspirés par des circonstances privées, et qu’ils s’expliquent par là d’abord, — puis par son tempérament, son état physique, par telle ou telle partie de son passé, et, j’oserai dire, par celle de ses âmes qui, dans tel ou tel moment, agissait en lui : âme de Genevois, âme de protestant, âme de catholique ; âme de vagabond et de révolté ; âme d’amoureux impuissant, âme de simulateur par soif d’émotion, âme de rêveur et presque de fakir, âme de malade. Il n’est pas bien surprenant qu’une œuvre écrite par des âmes si diverses n’offre point une bien sévère unité ; et l’on ne s’étonnera donc ni des contrariétés intérieures