Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/350

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de la Julie, de l’Émile et du Contrat social, ni des contradictions du Contrat social avec la Julie ou l’Émile, ni des contradictions de tous ces livres avec ses lettres. — Où donc est l’unité ? Non point, à mon avis, dans le système, mais dans ce fait que toutes ces âmes tourmentées dont se compose la personne de Jean-Jacques ont en commun une sensibilité morbide et le plus souvent exclusive du jugement et de l’esprit critique. — Ou plutôt simplifions encore. Réunissons d’une part le vagabond, le déclassé, le rêveur alangui, le plébéien, le malade, et aussi le protestant, c’est-à-dire l’homme d’une religion fondée sur le libre examen (et tout cela ensemble fait peut-être un anarchiste) — et d’autre part… quoi ? l’homme qui reste quand même un peu d’une patrie et d’une tradition, et le protestant marqué de tendresse catholique ; et concluons : — Un individualisme outré, avec, çà et là, quelque vestige, de traditionnalisme par la vertu du sentiment religieux : voilà où est peut-être l’unité, trouble et secrète, des œuvres de Rousseau, si elle est quelque part. Et encore cette unité demeure-t-elle une dualité.

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Il me reste à indiquer les nouveautés de Rousseau et sa double influence, politique et littéraire.

Parmi ses nouveautés, je vois d’abord son style. La nouveauté, ici, me paraît celle d’une chose ancienne retrouvée et enrichie. J’ai déjà dit à propos du premier Discours, que Rousseau prosateur