Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/353

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instinct divin… guide assuré… ») et la morale domestique par la réprobation de l’adultère et en prêchant le respect du mariage et du devoir paternel et maternel.

Il y a du vrai, oui : mais, tout de même, on exagère un peu. On dirait vraiment que la morale avait cessé d’exister en France, qu’il n’y avait plus d’enseignement religieux, que la plupart des bourgeoises de Paris et des provinces étaient des épouses dévergondées et de mauvaises mères… En réalité Rousseau (et cela après Marivaux, Destouches, La Chaussée, qui sont des écrivains très amis de la morale) n’a agi, un peu, que sur un petit monde très corrompu, mais très restreint. Parce que Rousseau a déterminé quelques jeunes femmes du monde à allaiter leurs enfants et à passer un peu plus de temps à la campagne, il ne faut pas croire qu’il ait transformé et régénéré la société française. La licence des mœurs dans les classes riches a continué, si je ne me trompe, jusqu’à la Révolution ; et aussi la littérature libertine. Seulement on s’attendrit plus aisément et on fait plus de phrases sur la vertu. Ce que Rousseau a surtout développé chez ses contemporains, — c’est une affreuse sensiblerie, extraordinairement différente de la bonté. Il me semble excessif d’affirmer, comme on l’a fait, qu’il a « changé l’atmosphère morale de la France ».

On a dit qu’il avait réappris aux femmes la « passion », la grande, la vraie, tout à fait oubliée, à ce qu’on assure. Oh ! qu’il me semble bien que