Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/363

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écrivains, l’individualisme romantique ? Oh ! non, car ils m’ont trop souvent charmé, et trop profondément. Et puis, peut-on dire qu’il n’y ait que des confidences personnelles dans les poètes et les écrivains romantiques ? Sont-ils romantiques tout entiers ? Avez-vous rencontré, dans Chateaubriand, Lamartine, Hugo ou Vigny, beaucoup de sentiments personnels, qui ne soient en même temps généraux par quelque côté ? — Ce qui est peut-être vrai, c’est que le meilleur et le plus solide de la littérature du XIXe siècle resterait, le romantisme ôté, et qu’en effet la littérature la plus ancienne, la plus nécessaire et la plus forte, c’est bien la littérature objective, impersonnelle (philosophie, histoire, roman de mœurs et de caractères, théâtre même).

Mais que l’autre est souvent séduisante ! et que les souffrances, les fautes et les sentiments les plus intimes d’un homme qui a le génie de l’expression agissent délicieusement sur notre sensibilité ! Un individu de cette sorte, lorsqu’il s’examine et se décrit, descend quelquefois plus loin dans son âme qu’il ne descendrait dans celle des autres… Et je sais que la littérature personnelle est forcément la glorification d’un certain nombre de péchés capitaux : mais, sans elle, bien des choses n’auraient pas été dites, qu’il eût été dommage qui ne fussent pas dites. Avouons, si vous le voulez, que cette littérature-là est quelque chose de déréglé, quelque chose qui n’est pas tout à fait dans