Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/364

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l’ordre… Mais, tout de même, il eût été triste que le romantisme, — qui depuis cinquante ans décline, — ne fût pas né…

Suivrai-je l’influence de Rousseau chez les étrangers ? Ici, je manque par trop de compétence et de science ; je ne puis, — après vous avoir renvoyé au livre excellent de Joseph Texte[1], — que vous répéter ce qu’on a coutume de dire : que l’influence de Rousseau s’est exercée sur Goethe, Schiller, Byron ; sur Kant, Fichte, Jacobi, Schleiermacher ; et, avec une évidence éclatante, sur Tolstoï.

J’ai lu Rousseau tout entier, disait Tolstoï à l’un de nos compatriotes ; j’ai lu ses vingt volumes, y compris le dictionnaire de musique. Je l’admirais avec plus que de l’enthousiasme ; j’avais un culte pour lui. A quinze ans je portais à mon cou, au lieu de la croix habituelle, un médaillon avec son portrait. Il y a des pages de lui qui me sont si familières qu’il me semble les avoir écrites.

Et enfin (et je l’ai souvent senti dans cette longue promenade à travers son oeuvre), soit par lui-même, soit par les écrivains qui ont subi son influence, il agit aujourd’hui encore sur beaucoup d’entre nous, même à notre insu. Il agit encore sur la part la plus aveugle de nous-mêmes, sur notre sensibilité : car lui-même est un être sensible prodigieusement, et d’une sensibilité sans règle, c’est-à-dire très distincte de la bonté, souvent ennemie

  1. Jean-Jacques Rousseau et les origines du cosmopolitisme littéraire.