Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/85

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bilité. » C’est là de la psychologie proprement vaudevillesque : car notez que c’est tout à fait la logique de Jobelin dans Le plus heureux des trois : « Nous t’avons trompé, Marjavel !… Je n’ai pas de remords parce que je me repens. » Ainsi Jean-Jacques, pénétré de sa bonté intime, se juge toujours sur ses sentiments, non sur ses actes. C’est extrêmement commode. C’est en somme une déviation profane de la doctrine de l’« amour pur » de Molinos et de madame Guyon, doctrine où les actes sont indifférents pourvu qu’on aime Dieu. Tant il est vrai que toutes les erreurs laïques correspondent à quelque forme d’hérésie !

Nous nous souviendrons de cela quand nous rencontrerons dans Émile la morale du sentiment et l’invocation à la conscience.

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En attendant, reprenons Jean-Jacques où nous l’avons laissé. Il vient donc de se « mettre » avec Thérèse. Il mène une vie simple et toute populaire, qu’il nous décrit de façon savoureuse :

Si nos plaisirs pouvaient se décrire, ils feraient rire par leur simplicité ; nos promenades tête à tête hors de la ville, où je dépensais magnifiquement huit ou dix sous à quelque guinguette ; nos petits soupers à la croisée de ma fenêtre, assis en vis-à-vis sur deux petites chaises posées sur une malle qui tenait la largeur de l’embrasure. Dans cette situation, la fenêtre nous servant de table, nous respirions l’air, nous pouvions voir les environs, les passants, et, quoique au quatrième étage, plonger dans la rue tout en mangeant.