Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/247

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l’excès d’admiration, de vénération, d’enthousiasme, où monte M. Brunetière, qui fait de Bossuet « le plus grand nom de son temps » et, par suite, de toute la littérature française. Sincèrement, j’ai beau faire, j’ai toujours besoin d’un effort pour lire Bossuet. Il est vrai que, dès que j’en ai lu quelques pages, je sens bien qu’après tout il est, comme on dit aujourd’hui, « très fort » ; mais il ne me fait presque pas plaisir, tandis que souvent, ouvrant au hasard un livre d’aujourd’hui ou d’hier (je ne dis pas n’importe lequel, ni le livre d’un grimaud ou d’un sous-disciple), il m’arrive de frémir d’aise, d’être pénétré de plaisir jusqu’aux moelles, — tant j’aime cette littérature de la seconde moitié du XIXe siècle, si intelligente, si inquiète, si folle, si morose, si détraquée, si subtile, — tant je l’aime jusque dans ses affectations, ses ridicules, ses outrances, dont je sens le germe en moi et que je fais mien tour à tour ! Et, pour parler à peu près sérieusement, faisons les comptes. Si peut-être Corneille, Racine, Bossuet n’ont point aujourd’hui d’équivalents, le grand siècle avait-il l’équivalent de Lamartine, de Victor Hugo, de Musset, de Michelet, de George Sand, de Sainte-Beuve, de Flaubert, de M. Renan ? Et est-ce ma faute, à moi, si j’aime mieux relire un chapitre de M. Renan qu’un sermon de Bossuet, le Nabab que la Princesse de Clèves et telle comédie de Meilhac et Halévy qu’une comédie même de Molière ? Rien ne prévaut contre ces impressions plus fortes que tout, qui tiennent à la