Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/249

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tement, l’observation du « milieu intérieur » et, sous les déguisements de la mode, de l’éternel fond moral de l’humanité. Or, s’il est fâcheux que cela ne se trouve point dans certaines œuvres, je remarque que cela était peut-être plus facile à y mettre que ce que l’artiste y a mis ; qu’un livre où se rencontrent toutes ces qualités peut être fort médiocre, qu’un livre où elles manquent peut être encore fort intéressant et séduisant ; et j’en conclus que, s’il y a de certaines critiques qu’on a bien le droit ou même le devoir de formuler, on ne serait pas mal avisé de le faire modestement.

Je me souviens d’un vieil article de M. Étienne sur les Contemplations et d’une étude de M. Saint-René Taillandier sur la Tentation de saint Antoine, qui, dans l’âge heureux où l’on manque de sagesse, m’avaient rempli de la plus furieuse indignation. M. Étienne reprochait d’un bout à l’autre à Victor Hugo son obscurité, sa déraison, son mauvais goût. M. Taillandier, examinant avec conscience la « sotie » de Flaubert, n’y trouvait point de clarté, point d’intelligence de l’histoire, point de bon sens, point de décence, point de sens moral, point d’idéal. Tous deux avaient raison ; mais, comme j’étais très jeune, je me disais : « Hé ! professeurs éminents que vous êtes, bon goût, bon sens, bon ordre, moralité, idéal, c’est ce que tout honnête lettré peut mettre dans un livre ! Moi-même je l’y mettrais si je voulais ! Mais la splendeur, la sonorité, le lyrisme débordant, la pro-