Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/298

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on les trouverait fades. Mais plus tard, quand on a tout lu et qu’on est sinon blasé, du moins rassis ; quand on sait se détacher des choses qu’on lit, en jouir comme d’un amusement qui n’intéresse et n’émeut que l’intelligence, les contes de La Fontaine, vus dans leur jour, à la façon d’un joli spectacle un peu lointain, peuvent être fort divertissants. Ce joyeux monde, presque tout artificiel, nous plaît par là même. Sept ou huit figures, toujours les mêmes, comme dans la comédie italienne : le moine ou le curé, le muletier ou le paysan, le bonhomme de mari marchand ou juge à Florence, le jouvenceau, la nonnain, la niaise, la servante et la bourgeoise, chacun ayant son rôle et sa physionomie immuable et ne faisant jamais que ce qui est dans ses attributions ; tous, sauf quelquefois les maris, contents de vivre, de belle et raillarde humeur, et tous, de la trogne enluminée au minois encadré dans la guimpe, occupés d’une seule chose au monde, d’une chose sans plus ; pour théâtre, un couvent, un jardin, une chambre d’auberge ou un vague palais d’Italie ; des tours pendables, déguisements, substitutions, quiproquos, des fables légères fondées sur des hasards et des crédulités invraisemblables ; un extrême naturel, une bonhomie délicieuse dans toute cette fantaisie, et çà et là un brin de réalité, des traits pris sur le vif, mais épars, accrochés à la rencontre ; quelquefois aussi un petit coin de paysage senti, un petit filet de vraie tendresse et une petite ombre de mélancolie… Voilà, dans leur