Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/36

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ment de joie, d’allégresse, de vie divine qui répond à la perception abondante et aisée des belles lignes et des belles couleurs.

  J’ai tenu bien haut dans ma main
  Le glaive éclatant de la rime…

  Et j’ai trouvé des mots vermeils
  Pour peindre la couleur des roses.

C’est fort bien dit ; et c’est parce qu’il n’a jamais aspiré à peindre autre chose qu’il a été l’esclave à la fois et le dompteur de la rime et qu’il n’a guère été que cela. Cherchez un poète qui ait plus purement, plus exclusivement aimé et rendu le beau plastique, qui par conséquent ait pratiqué « l’art pour l’art » avec plus d’intransigeance et une conscience plus farouche : vous n’en trouverez point.

Prenez Théophile Gautier ; outre qu’il est un peintre beaucoup plus exact et minutieux que M. de Banville, il se mêle d’autres sentiments à son adoration de la beauté physique. Au fond, les deux Muses d’Émaux et Camées sont la Mort et la Volupté, tout simplement.

  D’un linceul de point d’Angleterre
  Que l’on recouvre sa beauté.

Beauté, linceul, point d’Angleterre ; ivresse des sens, peur de la mort et fanfreluches, il y a au moins cela dans Gautier. Prenez même Armand Silvestre : vous découvrirez, dans ses grands vers mélodieux, mono-