Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/143

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Le passage a de l’éclat (malgré la banalité de quelques métaphores), plus d’éclat peut-être que de pathétique. C’est du moins ce qu’il m’a semblé quand je l’ai entendu. Il est vrai que, dans cette trop vaste enceinte de Notre-Dame, l’orateur est absolument obligé de crier ses phrases. La diction est une lutte désespérée contre l’immensité des nefs ; elle ne peut guère se permettre les notes fines, pénétrantes ou voilées, les accents qui vont à l’âme. Je ne crois pas, du reste, que la voix du Père Monsabré se prête beaucoup à ces nuances. Et c’est déjà bien beau, dans ces conditions, de se faire entendre.

C’est égal, j’aurais désiré je ne sais quoi qui n’est pas venu. Je me figurais qu’il y avait d’autres choses à dire sur la confession, des choses plus délicates, plus intimes, plus ingénieuses et plus tendres — mais qui sans doute ne pourraient être dites que de moins haut, dans une enceinte plus étroite. Lesquelles ? je ne sais ; mais, tandis que retentissaient les nobles phrases du prédicateur, un sonnet de Sully Prudhomme murmurait tout bas dans ma mémoire, exprimant un sentiment presque pareil :

    Un de mes grands péchés me suivait pas à pas,
    Se plaignant de vieillir dans un lâche mystère ;
    Sous la dent du remords il ne pouvait se taire
    Et parlait haut tout seul, quand je n’y veillais pas.

    Voulant du lourd secret dont je me sentais las
    Me soulager au sein d’un bon dépositaire,
    J’ai, pour trouver la nuit fait un trou dans la terre,
    Et là j’ai confessé ma faute à Dieu, tout bas.