Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/32

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Il se convertit donc, premièrement, en haine de cette incertitude, parce que la spéculation philosophique, dont il est d’ailleurs peu capable, ne lui suffit pas ; parce qu’il lui faut une règle absolue de ses actes, et dont la sanction soit en dehors de lui : bref, il se convertit pour avoir la paix de la conscience.

Ce besoin de paix intime se confondait avec un autre : le besoin d’être meilleur, de mériter. Même avant d’être chrétien, il se sentait humilié de l’égoïsme, de l’inutilité et de l’impureté de sa vie. Mystérieux phénomène moral : il avait des remords sans croire pourtant qu’il fît des choses défendues ni qu’il transgressât une règle ; il avait le sentiment du péché avant la connaissance et l’acceptation de la loi. « Témoignage d’une âme naturellement chrétienne », selon l’immortel mot de Tertullien. Même au temps de son « erreur », alors qu’il lui arrivait de s’échapper, comme les autres, en facéties et impiétés d’estaminet, ses collaborateurs l’accusaient d’avoir, comme journaliste, « du penchant pour les choses religieuses ». C’est son frère qui nous le dit, et je n’ai aucune peine à le croire. Dès cette époque, il remarquait que les exemplaires les plus complets et les plus assurés de vertu, ceux qui nous inspirent le plus de confiance, nous sont offerts par des croyants au surnaturel, et qu’il n’y a rien de meilleur ni de plus respectable qu’un bon prêtre ou qu’une religieuse sainte. Et secrètement, peut-être