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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.



NAISSANCE DES NYMPHES


D’ARTÉMIS




C’est la nuit, dans un coin reculé de l’Hellade,
Où les pentes des monts, dressés en escalade
Au-dessous de l’azur immobile des deux,
Plongent dans un vallon noir et mystérieux
Qu’emplit la majesté sereine du silence ;
L’air se recueille, et pas un souffle ne balance
Son repos endormi sans haleine et sans voix.
La lune blanche monte à la cime des bois
Où son arc léger vibre, et dans la masse sombre
Du vallon dessiné comme une coupe d’ombre,
Creux abîme où se glisse à peine son regard,
Elle éclaire ici, là, par surprise, au hasard,
Et fait des profondeurs paraître à son approche
Le tronc svelte d’un arbre, un blanc contour de roche.
Une clairière vague avec de pâles fleurs,
La face d’une source où scintillent des pleurs.
Et ces formes, brillant seules dans la nuit noire
D’où ressort la candeur de leur éclat d’ivoire,
Sous le rayon divin semblent des corps charmants,
Vierges au port léger, aux souples mouvements,
Jeunes filles aux yeux doux comme des fleurs pures,
Laissant traîner encor leurs brunes chevelures
Derrière elles ainsi que des morceaux de nuit,
Et levant leurs blancheurs dans l’ombre qui les suit.
Et toutes, s’effaçant de leur place à mesure
Que la lune rayonne une lueur plus sûre,