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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Ainsi l’once, l’auroch, l’aigle aux puissantes ailes,
Le renne au front boisé, les cerfs et les gazelles,
Sortirent, par degrés, achevés de ses mains.
Mais elle fit aussi, pour l’effroi des humains,
Mêlant le grandiose au terrible en leur être,
Ces colosses de chair qui devaient disparaître :
Le mastodonte affreux aux gigantesques os,
L’andrias, le mammouth, l’ancien rhinocéros,
Le mégalosaurus et le ptérodactyle,
Et tous ces noirs géants dont la glace ou l’argile
Ont dans leurs profondeurs gardé les ossements.

Monstrueux, l’emplissant de leurs barrissements,
Ils allaient, écrasant la forêt et ses hôtes.
Il n’était point pour eux de montagnes trop hautes,
Car leurs grands pieds, plus prompts que les pieds de l’élan,
De la base au sommet les portaient d’un élan.
Ils allaient, dépeuplant monts, vallons et rivages ;
Et quand ils rencontraient quelques troupeaux sauvages
De chèvres, de béliers, de daims aventureux,
Comme un vent d’ouragan ils s’abattaient sur eux,
Et, d’un coup de mâchoire ou de défense ou d’ongle,
Les couchaient par milliers dans le sable ou la jongle.
Ils passaient au milieu des animaux tremblants.
Cent boas n’auraient pu s’enrouler sur leurs flancs ;
Les griffes du lion, les crocs de la panthère
S’y rompaient. Ils étaient les maicres de la terre.
Et comme devant eux tout fuyait alarmé,
L’homme parut, petit, nu, faible et désarmé.

D’où venait-il ? Il n’est personne qui le sache, —
Hors Celui qui le fit, et dont la main se cache.
Il était né malingre, et sans griffes ni dents,
Sans poils, jouet du froid et des soleils ardents,