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MAURICE ROLLINAT.


Vous y vivez sans chat ni chien,
N’ayant pour toute galerie
Que votre conscience aigrie
Qui suppute et qui se souvient.

Mais dans l’étrange solitude
Où le dégoût vous a conduit,
L’appréhension vous enduit,
Et vous mâchez l’inquiétude.

Vous portez un poids journalier
Sur vos veilles et sur vos sommes,
Et vous n’aviez pas chez les hommes
Ce malaise particulier.

Par ces grands espaces moroses
Où vous confrontez en rêvant
Votre figure de vivant
Avec la figure des choses,

Il vous vient une impression
Très vague, et qui pourtant vous gêne
À mesure qu’elle s’enchaîne
À votre méditation.

Il vous faut la lumière énorme,
Le plein midi vivace et dru
Embrasant avec son jour cru
Le bruit, la couleur et la forme ;

Sinon plus de sécurité,
Le fantastique vous harponne :
La Nature ne vous est bonne
Qu’à travers sa diurnité.