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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Quant à la Nuit, elle vous poisse
De son trouble toujours nouveau ;
Et, dès ce soir, votre cerveau
Est opprimé par une angoisse.

Votre cœur ne peut pas dompter
Son battement qui s’accélère
Quand le soleil caniculaire
Se dispose à s’ensanglanter.

Pendant qu’il drape les montagnes
Dans la pourpre de son trépas,
Vous surveillez devant vos pas
L’assombrissement des campagnes.

Alors, au creux de tel vallon,
En côtoyant telle ravine,
Vous avez l’oreille plus fine,
Votre regard devient plus long ;

Au froidissement des haleines,
À la décadence des sons,
Au je ne sais quoi des frissons
Sur les hauteurs et dans les plaines,

Vous mesurez par le chemin
L’invasion du crépuscule,
Et dès que le hibou circule
Le cauchemar vous prend la main.

La rentrée augmente vos craintes
Qui métamorphosent d’un coup
Votre escalier en casse-cou,
Vos corridors en labyrinthes ;