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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


II

Ô Soleil, n’es-tu point, en ta course inconnue,
Le symbole effrayant de nos tristes destins ?
— Quelle route est fixée à nos pas incertains,
Et quel but atteindra leur marche continue ?

Inquiets, nous allons dans l’immense univers,
Usant à son contact nos forces créatrices,
Esclaves des saisons, et soumis aux caprices
Des printemps enchantés et des mornes hivers.

Nous ignorons la loi qui pèse sur nos têtes,
Qui berce nos instincts et nos sensations,
Qui transforme nos jours en superbes conquêtes,
Ou fait d’eux un tissu de désillusions.

Ah ! nul Herschel encor n’a trouvé la formule
Des mouvements cachés dans le cœur des mortels,
Soit qu’ils viennent baiser le marbre des autels,
Et qu’une ardente foi les presse et les stimule;

Soit qu’ils restent debout, impassibles et froids,
Sans malédiction comme sans espérance;
Soit qu’enfin, se drapant dans leur indifférence,
Ils végètent obscurs sans devoirs et sans droits !

Où donc aboutiront nos ivresses si brèves ?
Vers quel astre éclatant s’envolent nos amours ?
— L’Idéal entrevu nous échappe toujours,
Et notre bien suprême est un amas de rêves !